Préambule (histoire d’annoncer la couleur, oui, ça va être du pavé théorique…)
Je rédige cette note à la demande…presque générale, et par dérivation d’un de ces classiques sujets de forum à problèmes, sujet où une Chasseuse de démons amenait la question du pouvoir de résurrection de sa classe, ce qui entrouvrait les questions plus fondamentales sur la prise en compte des mécaniques de jeu et sur la prise en compte des contenus de quêtes… Bref un sujet comme mille autres sur les forums communautaires, où survient l’opposition entre deux façons d’appréhender le RP vis-à-vis d’un MMO comme World of Warcraft :
JdR puriste vs. JdR intégral.
Bien sûr cette présentation très binaire est contestable car réductrice, etc. Comprenez que ce n’est là qu’un schéma, et que ce n’est que la thèse que je prétends – vous jugerez la pertinence ou non de cette lecture des faits dans votre pratique.
J’en avais déjà fait diverses présentations et explications, sur ligueseparatiste.forumgaming.fr et d’autres forums, mais ces textes sont certainement un peu datés ou trop peu neutres.
Prérequis- Avoir une vague idée de ce qu’est ce qui sera appelé le JdR (jeu de rôle) ou RP (roleplay) indifféremment
- Avoir une vague idée de ce qu’est le jeu en ligne WoW et un MMORPG de façon générale (ESO, SWTOR, EQ, etc.)
- Avoir une vague idée de ce que sont, dans ce contexte, un joueur (personne réelle jouant), un personnage (entité individuelle jouée), une guilde, un groupe, une communauté (assemblées de joueurs et/ou entités collectives jouées), un lore (ensemble des faits avérés de l’histoire de l’univers, et aussi, plus compliqué car en abyme, les faits rapportés sur l’univers à l’intérieur de lui-même)…
Avertissement ! A l'usage des non-membres de la guilde principalement.
L’auteur de ces lignes emploie un ton, des tournures, des phrasés, bref une dialectique et un style, qui peuvent, selon de nombreux témoignages non-vérifiés en laboratoire, provoquer démangeaisons et instabilités d’humeur. Ne vous risquez pas à aller plus loin si vous ressentez cette situation.
Pro-tip : si le sujet vous intéresse sur le fond mais que… c’est vraiment pas possible, n’hésitez pas à demander à plusieurs amis tolérants au ajaxangluten de vous en faire des résumés digérés, afin d’en extraire quand-même l’idée générale.
Précisions concernant la Ligue (afin de lever les conflits d’intérêts)La Ligue séparatiste (Alliance) et la Ligue des séparatistes (Horde) sont effectivement une guilde dont la ligne éditoriale s’appuie sur cette lecture, et sur un parti-pris pro-RP-intégral. En théorie donc la Ligue ne reconnaît que le RP-intégral. Dans sa réalité en revanche, la Ligue a inclus et inclut encore aujourd’hui quelques joueurs non RP-intégral, voire franchement puristes au contraire, qui y ont adhéré pour des raisons personnelles, (micro-)historiques, humaines, narratives, thématiques, etc. De plus, nombre de membres ne se préoccupent simplement pas de ces questions et n’ont donc pas forcément d’avis théorique.
Bref, premier constat: tout comme le JdR-puriste dont ceux qui le pratiquent ne s’entendent pas sur les règles et moteurs de jeu à utiliser, sur les parts de lore à prendre en compte et celles à occulter, le JdR-intégral n’est pas livré avec une parole unique et incontestable. Il contient ses propres nuances internes et adaptations.
Deuxième constat, la Ligue n'est pas forcément vouée à être la seule communauté sur WoW qui défendrait le RP intégral. D'autres guildes et d'autres joueurs l'ont fait par le passé ou le font encore de nos jours (souvent dans une certaine discrétion médiatique !...).
Bref il est ici question de théorie et non de querelles de clochers.
Définir le JdR intégralJ’avoue que ce terme est une invention de ma part, pour un concept qui préexiste, et qui a même sa tradition depuis les tout-débuts des MMORPG : à l’époque, c’était plutôt le JdR intégral qui était l’évidence, il n’avait pas besoin de nom. Autrefois, à l’ère des pionniers wowiens, de mes prédécesseurs pré-Cataclysm, on lisait l’anglicisme "full RP" (ou encore "fulltime RP").
Pourquoi ce terme « intégral » ? Car il rend les idées d’intégrisme (1), d’intégrité (2,3), et d’intégralité (4).
1- Coller au plus près de ce qui nous est donné comme texte (ou jeu vidéo, dans notre cas).
2- Être authentique (le joueur rôliste est rôliste sans break, sans pause) et conforme à la réalité (le personnage est ce que le jeu dit qu’il est).
3- Rester honnête, impartial (se défausser de la tentation d’écrire soi-même les règles).
4- Prendre le jeu comme un tout indivisible.
De plus, le rôliste intégral aura tendance à *intégrer* les joueurs qui ne se réclament pas eux-mêmes déjà comme rôlistes (PvEiste / PvPiste pur), il tiendra donc à maintenir le plus direct et court possible le cheminement de non-rôliste à rôliste… en lui expliquant …qu’il en est déjà un sans le savoir.
Le rôliste intégral cherchera aussi généralement à *s’intégrer* parmi les joueurs qui ne se prétendent pas eux-mêmes rôlistes, pour promouvoir l’attitude RP, à savoir le fait d’accorder une existence propre (une histoire in-universe et/ou une personnalité) à l’avatar qu’on joue.
L’intégral est donc dans une démarche à tendance expansionniste et universaliste du RP sur MMO.
Oui c’est un peu absolu : « tu seras RP (à ta manière) même si tu ne penses pas l’être ». Il y a des raisons historiques à ça, sur lesquelles on reviendra. Mais dans les faits, on n’en est pas à RP’évangéliser les serveurs non-JdR…on n’y arrive déjà pas sur "nos" serveurs…
Bref, une dérive tendancielle de l’intégral serait peut-être une sorte de "populisme", trop ouvert, de laxisme devant la "médiocrité". C’est une critique forte qui lui a été faite en tout cas.
Bref comment expliquer le principe du JdR intégral ?
Par une simple affirmation : « WoW est le JdR. »
«
Il n’y a rien à comprendre. Tout est déjà là. Vous avez un RPG vidéo, vous jouez le RPG vidéo, et à la marge vous réarrangez (réécrivez mentalement) les quelques éléments du RPG qui génèreraient des incohérences narratives entre les innombrables personnages-joueurs. »
Il y a quelque temps on est arrivé à une formule qui résume très bien l’attitude RP-intégrale : « être RP ».
Pour ainsi dire, c’est une quête d’authenticité à travers le rôle. Quand on « est RP » on ne fait pas de pause (on ne se dit pas « bon allez tiens là je suis fatigué, je vais plus être RP », ça aurait aussi peu de sens que « bon allez tiens là je ne vais plus être moi »).
Quand on est RP, le personnage n’a pas vraiment le choix de rester dans l’immersion ou d’en sortir, tout au plus il peut changer de registre (un peu comme un personnage de manga qui aura une histoire sérieuse principale, et son chibi qui vivra des histoires parodiques à côté, mais dans ce cas c’est un rôle dans le rôle, comme une marionnette).
On parle du « quatrième mur » dans un spectacle, ce qui délimite l’espace qui représente un univers, une histoire, la fiction, et l’espace du monde réel qu’on oublie le temps du spectacle (je dirais que cet oubli, c’est cela qu’on appelle l’immersion).
Pour un rôliste intégral, ce quatrième mur est formé par le verre de l’écran d’ordinateur et l’interface de jeu (comme la fenêtre du logiciel, le pointeur et les menus intégrés au jeu). Tout ce qui se passe sous ce niveau, c’est-à-dire dans le monde ouvert d’Azeroth et autres mondes, est ainsi de la "matière JdR".
Il est donc malaisé d’expliquer le JdR intégral à tous ceux qui sont convaincus que World of Warcraft n’est pas un JdR, que WoW n’est pas RP, et que c’est aux joueurs seuls de construire le RP.
Pour un puriste, si vous êtes intégral, votre RP sera incompréhensible voire inexistant : « pas de moments clairement définis pour RP ? pas de campagne à jouer en groupe ? pas de MJ ? même pas de présences régulières dans les hot-spots citadins pour compenser avec du RP sauvage ? mais pour vous le RP c’est quand alors ?? » La réponse est : « tout le temps ». Et il entendra : « jamais ».
L’effet sera assez dérangeant et il cherchera sûrement à vous éviter pour préserver sa propre immersion (il ne craint pas de rester 2 heures dans une session au rand soporifique mais « prendre en compte le non-rôliste qui vient de passer sur son drake noir ?! sérieusement ? ») voire s’il est pénible, à vous troller (« mdr moi je connais le lore, tous les drakes noirs sont morts d’abord, ça tient pas la route votre truc »).
Définir le JdR puristeAutre jargon inventé. Le concept de purisme me semblait le mieux situé pour exprimer l’opposition de principe avec l’intégral. C’est une définition un peu à charge, donc pas forcément très reluisante, j’espère que vous m’en excuserez – le but n’est pas de désigner ceux qui vivent le RP par l’approche puriste comme des mauvaises personnes, mais bien de souligner une opposition de vision qu’il existe d’après moi.
1- Pas nécessairement d’intégrisme : on peut librement s’écarter du texte (du jeu vidéo dans notre cas), par exemple préférer des sources apocryphes (les RPG papier Warcraft issus de DnD) ou l’Univers Etendu (les romans, comics, ou film). Mais il y a des extrémistes du lore des deux côtés, des lorenazis, chez les puristes comme chez les intégraux (côté Intégraux j’avais traduit par "lorebolchevik", héhé, pour bien sentir la nuance), cependant, ils s’appuieront parfois sur "des lores différents".
2- Distinction nette entre la réalité de l’avatar avec son gameplay, et ce qu’on veut qu’il soit en RP. Distinction aussi entre moments de jeu : temps RP versus temps Hors-RP.
3- Nécessité d’écrire soi-même les règles de RP (ou suivre celles des autres), puisque celles du jeu de base ne sont pas à prendre en compte.
4- Le jeu WoW est fractionné entre éléments qui comptent pour son histoire RP et éléments non-RP de pur jeu vidéo.
Contrairement au joueur intégral, le puriste va chercher à "rester pur", à préserver sa continuité RP vis-à-vis de la boue jugée incohérente et "non RP" de l’environnement où évolue son avatar.
Il cherchera à *purifier* son espace de jeu immersif de ce qu’il juge inapproprié. Les non-rôlistes-déclarés, et leurs montures, sont donc à rejeter de l’espace de jeu RP, hors du plateau de jeu immersif. De même que les PNJ trop extravagants. De même que les autres rôlistes trop extravagants. De même que les autres rôlistes qui nuisent au plaisir de jeu d’une façon ou une autre.
Le purisme est de ce point de vue une démarche à tendance ségrégante et contre-universaliste du RP sur MMO.
Et c’est un peu absolu aussi : « tu n’es pas dans mon RP même si tu te dis RP ».
Au bout du bout, le RP devient une pratique d’initiés, de "quelques élus", qu’il faut justement initier, avec des règles un peu complexes pour éviter le tout-venant, et quelques humiliations pour…hé bien il parait que ça forge le caractère (Le recrutement par forum, forme de bizutage des guildes puristes les plus hardcore ?)
Bref, une dérive tendancielle du purisme serait en fait l’élitisme, l’enfermement dans une oligarchie. Critique régulièrement entendue (de la part des Intégraux et des "non-rôlistes" donc).
Comment résumer le RP puriste, alors que je ne m’y reconnais pas ? Difficile mais essayons.
« Le JdR est une œuvre d’extraction », une quête alchimique en quelque-sorte. Si vous êtes puriste il me semble que vous cherchez à découper des "pépites de fiction RP" dans le minerai brut (et bon pour le rebut) de WoW.
On se pose alors la question si cette extraction a été réussie ou bien a été ratée, si le "produit" RP est correct, présentable, artistique. Chose qui n’arrive pas à l’intégral puisqu’il se contente de jouer pour
être.
Par contraste avec l’expression rp-intégrale du "être-RP", le purisme RP c’est « faire du RP ».
Il y a la notion d’effort, de tâche, de pratique. C’est quelque-chose qu’on fait, et donc, que parfois on ne fait pas. D’où la rupture d’immersion légitimée, lors du passage en mode HRP.
Pour reparler du quatrième mur, pour un rôliste puriste, il se situe à l’intérieur-même d’Azeroth, un peu comme une cloche en verre. Il y a Azeroth – la map – qui est comme la salle de spectacle, et il y a ce quatrième mur en forme de cloche sur une "scène", un "plateau de tournage", délimité : tantôt le quartier de la cathédrale d’Hurlevent, tantôt le recoin de la map choisi pour tel évènement…
Il est donc malaisé d’expliquer le JdR puriste à ceux qui considèrent que « WoW est le JdR » puisque du coup, il y a une couche de plus dans l’inception (même sans avoir vu le film du même nom, vous voyez sûrement le principe), une couche de plus dans l’immersion, qu’on ne comprend pas.
Si vous êtes puriste et que vous invitez un intégral, votre event lui sera absolument illisible car votre quatrième mur est posé là, au beau milieu de son espace immersif. Il verra des personnages faire semblant de combattre (position figée, des chiffres sur le tchat, pas d’ennemis à portée…), ou faire semblant d’être dans un bastion de guilde, ou faire semblant d’être un chaman orc brun mag’har alors que le personnage est vert.
L’effet sera assez dérangeant et il cherchera sûrement à vous éviter pour préserver sa propre immersion (il ne craint pas les PvEistes sur montures kikoo mais plutôt les personnages cinglés qui se battent contre des marqueurs de terrain colorés), ou bien, si c’est un pénible (y’en a partout) à vous troller (cf. la vidéo de Nixxiom, « Roleplayers in a nutshell »).
ConséquencesJ’ai essayé de décrire les deux approches par symétrie, pour que ça reste clair.
Celui qui pratique le RP puriste va devoir définir comment *construire un JdR* à partir de zéro en s’inspirant (plus ou moins rigoureusement) du lore, et en s’inspirant de moteurs de jeu extérieurs.
Celui qui pratique le RP intégral va devoir choisir comment *interpréter le JdR* des éléments de lore et les mécaniques du moteur de jeu que WoW lui impose, dans son histoire.
En résumé, le puriste part d’une liberté totale pour essayer d’arriver à WoW (sans jamais y toucher, sauf en HRP), l’intégral part de WoW pour essayer d’arriver à une liberté totale (sans jamais l’atteindre).
On voit donc qu’à un certain point les deux démarches peuvent se croiser. Et même se côtoyer sur un même terrain, dans un même espace de RP compatible avec les deux, sur un même serveur… Simplement, elles ne vont pas dans le même sens.
Petite métaphore, pour comprendre l’embrouille quand je parle des "vraies règles de WoW" c’est-à-dire ses mécaniques gameplay…
C’est comme désigner un jeu de belote à des personnes qui jouent au kems avec ce jeu de cartes depuis des années, en leur disant "c’est un jeu de belote". Horreur et stupéfaction : "mais non c’est un jeu de kems, on le sait quand-même !!" Réponse insistante et agacée : "mais non je vous en prie regardez sur la boîte, c’est bien marqué, il y a même les règles de la belote dessus…" Ceci finit dans le meilleur des cas par une prise de connaissance silencieuse des règles de la belote tout en continuant de jouer au kems avec, dans le pire des cas, des égos froissés qui se réfugient dans l’insulte et le mépris. Le joueur de kems conciliant lui, mettra en avant que les règles de kems marchent très bien sur un jeu de belote et qu’après tout, on est bien libre de se choisir les règles qu’on veut du moment que tout le monde est d’accord. Ce qui est exact. Sauf que justement, tout le monde n’est pas d’accord. Il reste d’irréductibles qui veulent jouer à la belote sans qu’on leur serine les règles de kems à chaque réflexion. Remplacez le jeu de carte par la boîte de WoW, les joueurs de kems par les puristes RP, et les joueurs de belote par les intégraux RP, et vous aurez compris tout le tableau.
Et les autres catégories de JdR sur MMO ?Les pratiques de JdR peuvent prendre des formes diverses (et des noms plus ou moins offensants) pêle-mêle : RP dinette (jouer ses personnages à table, dans un chez-soi, ou en auberge), RPQ (romances et relations physiques entre personnages), RP trash (variante outrancière et sadienne de la précédente), RP militaire (jouer des corps d’armée), RP marelle (jouer contre des dangers fictifs), RP blabla (jouer des tractations, conseils, réunions), RP marchand (jouer la vente et l’achat de bien plus ou moins réels), RP poteau (placer son personnage sur une place fréquentée – et attendre), Rp trottoir (variante où l’attente se fait en déambulant), RP pas-là (jouer son avatar sans l’assumer en RP), RP homme-sandwich (variante du pas-là et du poteau : AFK en laissant son personnage sur un passage fréquenté pour faire de la promo via bulle TRP), RP mono-racial (limiter la participation à une race), RP parodique (ton humoristique, références pop), RP zapette (consommation de divertissement concentré sur les lieux/events fréquentés), RP de projets (qui n’arrive pas en jeu, faute de temps, de moyens humains ou de motivation), RP par sessions (jeu cadré et organisé, généralement de façon hebdomadaire), RP sauvage (jeu s’en remettant au hasard des rencontres entre personnages), etc.
En fait toutes ne sont que des subdivisions, des catégories indépendantes, des deux grandes tendances que sont le JdR intégral et le JdR puriste.
Ils ont plus à voir avec les thèmes RP recherchés par le joueur (foyer & tavernes, relations, discipline militaire, combats contre des monstres, débats oratoires, commerce, notoriété, humour, spectacle, "management", scénarisation, aléas…) et sa façon d’investir son temps de jeu.
Autrement dit, on peut être rôliste intégral et prendre part à du RP dinette, du RP blabla, du RP par session par-ci et du RP sauvage par là. On peut être rôliste puriste et pratiquer du RPQ juste après son RP militaire, avec un(e) partenaire croisé(e) lors d’un RP marchand sauvage semi-parodique en mode zapette.
Il n’y a d’ailleurs pas matière à disséquer le bien-fondé de ces pratiques, puisque c’est affaire de goûts. Les critiques des uns contre les autres se résumeront toujours à la simple formule :
je n’aime pas ça, donc c’est critiquable / tu n’aimes pas ce que j’aime, donc tu es critiquable. Restons-en donc aux simples quolibets amicaux et que chacun soit libre d’aimer ce qu’il veut (pas forcément d’en faire la promotion n’importe où par contre).
En revanche les JdR intégral et puriste portent, il me semble, une vraie vision, une cohérence, vis-à-vis du média, qui dépasse totalement les questions de goûts.
On ne se reconnaît pas dans l’un ou l’autre par simple préférence ou penchant du moment, c’est bien plus viscéral. On ne "choisit" pas vraiment le RP intégral ou le RP puriste, ça s’impose à nous comme une évidence. Un ressenti d’autant plus évident qu’il sera ensuite difficile de comprendre comment d’autres peuvent raisonner autrement.
Comme expliqué dans leurs parties consacrées : ça dépend du placement du "quatrième mur", ça dépend du niveau d’immersion qu’on est capable d’encaisser face à WoW (crédulité/incrédulité), ça dépend de si on prend le RP comme un constat « d’être » ou comme une pratique à « faire ».
Ce manifeste n’a donc pas vocation à convaincre ou persuader les uns ou les autres, mais plutôt à offrir une grille de lecture, à s’interroger pour soi : que ressentons-nous comme immersion vis-à-vis de WoW et où plaçons-nous notre quatrième mur.
Virtualisme historique(sorte de prolongement du matérialisme historique, les vrais comprendront !)
L’histoire du RPG vidéo. Ce devrait être un simple rappel mais les gens l’occultent, l’oublient, ou simplement l’ignorent parce qu’ils sont trop jeunes et que ceux qui auraient dû leur raconter n’ont pas fait le boulot.
Un
RolePlaying Game est le terme anglais pour un Jeu de Rôle (Jeu de Jeu de Rôle, mot-à-mot).
Déjà rien qu’avec cette information, vous avez toute l’histoire.
Les RPG comme WoW ne sont pas tombés du ciel un jour pour concurrencer le JdR sur table ou le GN. Ils en
héritent. Les RPG vidéos sont une juste
évolution, une conversion informatique du JdR papier.
Les interminables et pénibles calculs de jets de dés et caracs ont été automatisées, à l’aide d’une machine (ordinateur ou console), dans un logiciel donc, afin que le joueur de RPG vidéo, puisse se concentrer sur le simple plaisir d’incarner son héros, jouer ses aventures, et d’imaginer l’univers présenté.
Les feuilles de personnage, crayons, dés et calculettes ont été remplacés par des processeurs.
Un peu de doc si vous me prenez pour un dément :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_vid%C3%A9o_de_r%C3%B4lehttps://en.wikipedia.org/wiki/History_of_role-playing_gamesVenir « faire du RP » de type plateau-papier, avec dés et calculette, DANS WoW… c’est donc exactement comme faire du vélo d’appartement dans un TGV.
(Je suis sûr qu’il y a bien des trains équipés de vélos d’appartement… il y en a déjà dans les gares pour les recharges.)
A l’origine on prenait le vélo pour aller de la ville A à la ville B, puis on a remplacé par le train, et maintenant les nostalgiques du vélo montent dans le train pour faire du vélo (sans même vouloir aller dans la ville B !)
Le joueur de Jeu de Rôle vidéo, le joueur de MMORPG … est donc
par construction un rôliste.
La question n’est donc pas de savoir QUI est rôliste dans WoW, mais POURQUOI certains (les PvEistes et PvPistes) l’ont oublié, l’ignorent, le rejettent.
Et il y a quelques pistes bien connues…
Manque de sérieux de l’univers (la première fois que j’ai découvert les "Lutins du Père Hiver" vous auriez vu ma tête…), trop grand nombre d’easter-eggs, brouillage des genres entre Azeroth et l’IRL, manque de crédibilité de l’histoire et du lore au cours de certaines extensions, d’où des ruptures de la "suspension volontaire d’incrédulité"…
Voilà les causes de tous les maux selon moi.
C’est ce qui explique que tant de joueurs (donc rôlistes) de WoW refusent d’accorder une importance, une existence à leur personnage ! C’est ce qui explique de plus que tant de rôlistes affirmés (ceux qui se revendiquent rôlistes) refusent de prendre en compte la réalité d’Azeroth et préfèrent imaginer un sous-monde plus sobre et plus crédible, embrassant dès lors la voie du purisme!
C’est ce qui explique la division entre rôlistes et non-rôlistes, entre rôlistes intégraux et puristes, et entre puristes eux-mêmes au final !
Mais cette division n’a fait que s’auto-entretenir. Car maintenant que les puristes ont rebâti leur propre sous-monde, ou plutôt leurs propres sous-mondes, par guilde, par club, par communautés, avec leurs propres règles inventées de toutes pièces, leurs propres "consensus", peut-on seulement imaginer revenir en arrière ? Réparer toutes ces brisures ?
Non, les puristes se sont trop éloignés de ce qui les reliaient au reste des joueurs, et ils préféreront pour beaucoup continuer à vivre sous cloche, sous leur quatrième mur intérieur, entre eux !...
Donc la sentence, c’est qu’il n’y a pas de coupable, sinon Blizzard qui a fait un MMO trop attractif mais pas assez solide niveau immersion pour contenir tous ses joueurs. Et ceux qui persistent malgré tout ça dans l’immersion première, littérale, sont dans ce que j’ai appelé « le JdR intégral ».